La crise et le manque d’opportunités professionnelles conduisent de nombreuses personnes à s’expatrier, à abandonner leur pays d’origine et rechercher un futur meilleur. Bien sûr, d’autres le font par amour, ou parce que l’entreprise pour laquelle ils travaillent leur offre un meilleur poste dans un autre pays. Mais, actuellement, la situation économique et sociale est celle qui pèse le plus dans la décision de partir pour un autre pays.
Mais que se passe-t-il lorsque nous ne laissons pas seulement derrière nous la famille et les amis ? Que se passe-t-il lorsque nous avons un problème et que nous ne pouvons pas nous tourner vers le professionnel qui nous suivait ? À quoi faisons-nous face lorsque nous sommes dans un nouveau pays, avec une nouvelle langue et peu de temps pour rechercher un professionnel pour continuer la thérapie ?
Aucun doute sur le fait que la langue est le premier obstacle auquel il faut faire face. Parfois, nous partons dans un pays dont nous ne connaissons pas la langue. Nous pensons que nous l’apprendrons avec le temps, mais nous avons besoin d’aide et sommes incapables de parler avec un professionnel là-bas parce que nous ne savons pas nous exprimer, nous ne savons pas comment lui dire que nous n’allons pas bien, que nous avons besoin d’outils pour dépasser nos peurs. Nous sommes frustrés et cela a encore plus d’incidence sur notre mal-être.
Après la barrière de la langue, un autre problème auquel on doit faire face lorsqu’on s’expatrie est la solitude. On peut souvent partir en voyage en couple, entre amis ou même en famille. Mais la grande majorité des déplacements professionnels sont de personnes seules qui changent de pays en vue d’un futur meilleur, pour avoir des opportunités professionnelles qu’elles ne trouveront pas dans leur pays. Il se produit alors ce que les psychologues nomment le deuil migratoire, un problème émotionnel causé par la perte de tout ce que nous laissons dans notre pays d’origine, de ce à quoi nous renonçons : famille, projets de vie, amis, couple…
Même si nous sommes heureux de cette nouvelle destination, nous ne nous sentons pas toujours pour autant complètement intégrés dans la société, nous ne sommes pas en phase, notre pays nous manque et nous ne sommes pas heureux, ce qui influe sur nos émotions. La culture et les coutumes sont différentes et il est difficile de laisser derrière nous nos propres coutumes. Faire face au deuil migratoire est l’un des défis sur lesquels travaillent les psychologues spécialisés dans l’assistance aux expatriés.
Les hautes attentes avec lesquels nous partons et la dure réalité à laquelle nous devons faire face lorsque nous arrivons nous affectent également. Lorsque nous décidons de sauter le pas, que nous nous embarquons dans cette aventure, nous pensons que ça vaudra la peine, que nous allons enfin trouver la reconnaissance professionnelle que nous attendons. Mais ce n’est souvent pas le cas et nous finissons par accepter des emplois qui n’ont rien à voir avec notre qualification professionnelle ou nos diplômes. Ce coup de réalité provoque du mécontentement, du mal-être, un rejet, une baisse de l’estime de soi et un sentiment d’insécurité.
Enfin, le rejet culturel est un autre problème avec lequel il faut composer. Dans de nombreux pays les immigrants ne sont pas bien reçus. Ils provoquent de la haine, sont discriminés et rejetés. Ainsi, nous nous sentons mis au ban de la société, abandonnés à notre sort, avec des difficultés à se faire des amis. C’est aussi pour cela que l’expatriation affecte nos relations sociales.
Marta, Jessica y Juan Luis sont trois personnes qui, face à l’instabilité économique et à la crise, ont décidé il y a quelques années de quitter leur maison, leur pays, et de rechercher de nouvelles opportunités loin des leurs. Certains recevaient un suivi psychologique au moment de partir vivre à l’étranger. Les trois ont connu des circonstances qui ont aggravé leurs problèmes. Voici leur expérience.
Marta : « Je suis seule dans un nouveau pays, mon anxiété ne diminue pas et je n’ai personne vers qui me tourner ».
J’ai 27 ans, je suis de Sabadell. J’ai déménagé en Irlande il y a 14 mois, je travaille comme jeune fille au pair. Bien que j’aie étudié l’économie, je n’ai pas trouvé de travail. Toutes les entreprises demandent de l’expérience et mes stages ont été dans la restauration rapide pour pouvoir apporter un complément de revenu à ma petite bourse. À la maison, nous sommes trois frères et sœurs et tous étions au chômage, en plus de ma mère, qui a 49 ans et était coiffeuse, et qui s’est fait renvoyer. Cela fait plus de sept ans et elle n’a jamais rien retrouvé. Nous dépendions tous du faible revenu de mon père, chauffeur de taxi. Un jour, fatiguée d’être un coût de plus à la maison et de ne pas trouver de travail, j’ai décidé de partir travailler dans une famille en Irlande, essayer d’être jeune fille au pair pour gagner un peu d’argent et, surtout, perfectionner mon anglais. Comme j’avais déjà travaillé dans des fast-foods, je recherchai autre chose, je voulais changer d’air. C’est pour cela que j’ai choisi cette option et que je n’ai pas cherché d’emploi dans l’hôtellerie. De plus, je voulais chercher du travail là-bas par moi-même et je pensais qu’avec cette expérience cela pouvait poser problème. Étant responsable d’enfants dans une famille, il serait plus facile pour moi de suivre des cours là-bas, me former et chercher un poste où je pourrais me dédier à ce que j’avais étudié.
J’ai opté pour l’Irlande car le coût de la vie y est moins cher qu’en Angleterre. On dit aussi que les irlandais sont moins tendus que les anglais, plus ouverts et amicaux, mais je n’ai pas réussi à m’adapter. Je me sens très seule. Je sors, j’ai rencontré des gens et je suis même tombée amoureuse, mais je finis toujours par être déçue. Lorsque j’étais en Espagne, j’étais suivie par un psychologue parce que j’ai souffert d’anxiété pendant plusieurs mois, à tel point que je ne pouvais pas dormir. Je ne trouvais pas de travail, je désespérais parce que rien n’allait pour nous et ça générait pour moi beaucoup d’inquiétude et de problèmes pour faire ma vie et nouer des relations à ce moment-là. Je ressentais beaucoup de pression. Aujourd’hui, à Cork, où je suis, je sens de nouveau la même chose et je ne peux parler à personne, je sens que je suis seule et je ne sais pas où chercher l’aide d’un professionnel.
Pour moi, la thérapie en ligne serait une opportunité de reprendre le suivi que j’avais en Espagne et qui semblait fonctionner. Je pourrais reprendre contact avec le spécialiste que je voyais, maintenir la relation et l’améliorer. Ce serait très pratique, d’autant que je n’aurai pas à ajuster mes horaires ni à manquer mes cours d’anglais. Je pourrai concilier mes horaires et choisir le psychologue que je voyais avant.
Jessica : « J’ai mis beaucoup d’espoir dans ce traitement »
Je suis originaire de Riobamba, la plus grande ville de la province de Chimborazo, en Équateur. J’ai laissé ma famille et ai suivi mon époux en Europe, en Espagne, il y a douze ans en vue d’un futur meilleur. Je viens d’une famille très pauvre et je n’ai jamais fait d’études. Nous sommes plusieurs frères et sœurs et notre mère ne pouvait pas nous payer d’études. C’est pour cela que, depuis petite, je travaille en faisant le ménage dans des maisons. Mon époux n’avait pas de travail, et les choses semblaient aller mieux en Espagne, nous vivions avec l’espoir de former une famille, pouvoir envoyer de l’argent à ma famille et être heureux.
Même si nous travaillons et pouvons payer nos factures, notre économie est très limitée. Il y a quelques années, on m’a diagnostiqué une dépression. J’ai à peine pu aller à une consultation car le travail ne me laissait pas le temps. Je fais des shifts et parfois on me change du jour au lendemain. Comme j’ai deux boulots, je n’ai presque pas de temps pour suivre une thérapie, et lorsque je sors du travail c’est la nuit, les psychologues ne consultent plus et je veux être avec mes enfants. De plus, comme je n’ai pas de voiture, je dépends des transports publics et, vivant dans la petite ville de Tolède, les possibilités sont limitées.
Lorsque le médecin m’a diagnostiqué une dépression, je pensais qu’il blaguait. Je savais que j’étais triste, mais je ne pensais pas que c’était à cause de ça. C’est la fille d’une femme dont je m’occupe qui m’a dit de parler à quelqu’un, car il n’était pas normal que je passe la journée en pleurs, triste, sans énergie, que j’oublie de lui donner ses médicaments et que j’aie à peine la force de parler ou de faire quoi que ce soit. Je me disais que j’étais triste car à ce moment-là je voyais à peine mon mari et mes enfants, je travaillais à Madrid et je quittais dont la maison très tôt pour revenir très tard. Ça me rendait très anxieuse et triste, mais ma paye était la seule de la maison, ce qui fait qu’on ne pouvait pas se permettre de faire autre chose. Je me souvenais aussi de tout ce que j’avais laissé derrière moi dans mon pays, de mes frères et sœurs, de ma maman, du fait que j’avais envie de parler avec elle et de la voir plus souvent.
Mon mari travaille de temps à autre et je continue à devoir travailler de nuit et à rentrer chez moi la nuit. Cette situation a fait empirer ma dépression. Certains jours, je n’ai même pas envie de sortir du lit, j’ai envie de tout envoyer valser, de me rendre. Je sens que ce que j’ai fait ne vaut rien. Certains jours, je n’en peux plus. Tout ce pourquoi j’ai lutté, le voyage, le travail, ne sert à rien. Je ne suis pas heureuse, ma maman me manque, je ne l’ai pas vue depuis des années et ça me manque de ne pas passer de temps avec mes enfants.
Avec mes horaires et mes problèmes je ne peux pas avoir un suivi régulier avec un psychologue, c’est pour cela que j’ai commencé la thérapie online. J’ai cherché sur internet un professionnel qui offrait cette option. Je n’étais disponible que les samedi après-midi et les dimanches, mais les psychologues ne consultent pas ces jours-là. De plus, ce sont les seuls jours que je peux passer avec mes enfants.
Pour moi, la thérapie en ligne est devenue un moyen utile de traiter ma dépression. Je n’ai fait qu’une séance pour le moment, mais j’ai beaucoup d’espoir. Je mets tous mes espoirs dans le traitement. Pour le moment, tout s’est bien déroulé. Le psychologue est très professionnel et, même si on pourrait penser le contraire, la conversation que l’on a se développe dans un climat de proximité. On a parlé de mes problèmes, de comment je me sens. Il m’a demandé depuis combien de temps je me sentais comme ça. J’ai beaucoup aimé parce qu’il ne juge pas ce qu’il m’arrive ou ma vie de famille, mais il essaye de comprendre pourquoi je me sens comme ça et me l’explique avec des mots que je peux comprendre, sans terme technique que je ne comprends pas. Il est très attentif et m’envoie de bonnes vibrations. Je crois que, avec son aide, je pourrais sortir du puits dans lequel je suis, même si les séances à venir nous le diront.
José Luis : « Grâce à un internet, je peux parler à un psychologue en espagnol et traiter mes problèmes d’anxiété ».
Mon histoire est celle de beaucoup d’autres dans ce pays : ouvrier du bâtiment, j’ai perdu mon travail avec la crise et j’ai dû émigrer. D’abord, je suis allé en France faire les vendanges mais, après quelques mois, je suis revenu en Espagne, lorsque la récolte s’est terminée. Ensuite, j’ai travaillé ici et là, mais je n’avais pas assez d’argent pour louer un appartement, manger et payer la pension de mon fils. C’est pour ça que je suis parti en Allemagne il y a cinq ans. J’ai lu un article dans le journal et j’ai pensé que, en dehors de la plonge, je pourrais trouver quelque chose. J’ai 51 ans et toute ma vie est liée à la construction. Pour les hommes de mon âge, il n’y a rien en Espagne. Pour les hommes comme moi, presque sans études, encore moins.
Depuis le début de mon chômage en 2012, à cause de la fermeture de l’entreprise dans laquelle je travaillais depuis presque 20 ans, je traîne une dépression, de l’anxiété, du stress, des troubles du sommeil… Presque tous ces problèmes sont dus à ma situation. À Grenade, où je vivais, j’allais voir un psychologue quand je pouvais le payer, c’est-à-dire pas toujours. C’est pour cela que, même si j’ai vu une amélioration, je sais que si j’avais été plus constant dans le suivi j’aurais été plus satisfait.
Aujourd’hui, je suis seul en Allemagne. Je n’ai pas peur d’être seul, je suis séparé depuis de nombreuses années, mais plutôt d’être seul dans un nouveau pays, dont on ne comprend pas la langue ni la culture. Je pensais qu’en baragouinant l’anglais, je pourrais trouver quelque chose. Et oui, j’ai trouvé, faire la plonge et laver des tables. Ça ne me gêne pas, c’est ce qu’il y a, mais le climat, la langue, les gens, la solitude… Tout cela me cause encore plus de problèmes émotionnels qu’en Espagne. Voir un professionnel ici était impensable. Si je peux à peine comprendre mon chef, comment vais-je pouvoir expliquer mes problèmes à un psychologue ? Je ne parle pas allemand, à part trois ou quatre phrases. Mon chef me parle en anglais. J’ai du mal à travailler, à faire mes courses et même à conduire, parce que je ne me suis pas encore fait à tout ça. Je me vois âgé, vieux : je suis un homme qui vit dans un pays qu’il n’aime pas et dans lequel il ne veut pas vivre, mais qui le fait par obligation au vu des circonstances. Tout ceci génère encore plus de mal-être, de désespoir, de stress… Mon fils et mes parents me manquent… Mes amis aussi. En fait, tout manque de l’Espagne. Et comme en plus je ne comprends pas l’allemand, c’est très dur pour moi de l’apprendre, je suis frustrée, mon estime de moi baisse car je suis incapable de communiquer dans cette langue. Il y a des moments où la situation me dépasse, d’autres où j’ai envie de tout quitter et de rentrer en Espagne, mais je sais que là-bas il n’y a rien pour moi. Et ça me désespère encore plus, ça me rend triste.
Un jour, j’ai lu qu’il existait des psychologues spécialisés dans la migration qui faisaient des thérapies par internet. Je n’ai pas réfléchi plus d’une seconde. J’ai cliqué sur le lien qu’ils donnaient et j’ai demandé plus d’informations. Cela fait plusieurs mois que je travaille avec une thérapeute et je me sens beaucoup mieux. Mon anxiété et mon stress sont contrôlés, la dépression aussi, même si pour ce cas le traitement est plus lent. La psychologue m’a dit que c’était un processus constant et bien plus long mais, même malgré ça, je vois la lumière au bout du tunnel. Grâce à internet, je peux parler à un psychologue en espagnol et traiter mes problèmes anxieux.
Pour moi, recevoir l’aide d’un psychologue via internet a été très efficace : pouvoir parler avec quelqu’un qui me comprend, avec une professionnelle de mon pays à qui je peux m’ouvrir et expliquer tout ce qu’il m’arrive, comment je me sens. Cela n’a pas de prix. Je suis vraiment très content. Je sais qu’il me reste beaucoup de travail à faire, il faut travailler l’estime de soi, mais je sais qu’avec elle à mes côtés, même si c’est à travers un ordinateur, je pourrai y arriver.